mardi 27 avril 2010

âge et bonheur



La vieillesse, une malédiction? C'est faux ! C'est une bénédiction... Comme tout ce que la vie fait ! Pourquoi? Parce que le bonheur ne dépend en aucune façon de l'âge, mais de notre capacité à demeurer dans la joie à chaque instant, autrement dit de notre sagesse, comme en témoigne l'exemple magnifique de Jeanne Calment, "doyenne de l'humanité" décédée à l'âge de 122 ans... "Mon secret? Je n'ai jamais travaillé ! (...) J'ai pu cultiver tous les plaisirs. J'ai agi de manière claire et morale, sans aucun regrets. Je suis très heureuse.»
C'est ce que j'ai rappelé hier lors de ma conférence lors de la journée sénior et avenir organisée au Musée d'Art Moderne par Jean Michel Galy, président de l'université inter âge, en présence de Daniel Benchimol, doyen de la faculté de médecine et adjoint à la santé de la mairie de Nice. Voici le résumé de mon intervention :

"Est-il plus facile d'être heureux quand on est jeune que quand on est âgé? C'est ce qu'on croit généralement... C'est un des préjugés les plus répandus dans nos sociétés dites évoluées que la jeunesse est un bien et la vieillesse un mal... Ce préjugé commun est d’ailleurs repris par nombre de "grands esprits" tels Léopardi ( "La vieillesse est le pire des maux, car elle prive l'homme de tous les plaisirs en lui en laissant l'appétit"), Terence, ("La vieillesse est par elle-même une maladie") ou encore Cioran ("La vieillesse, en définitive, n'est que la punition d'avoir vécu"). Nous pourrions ainsi nous écrier avec Ronsard qu’il faut nous dépêcher de cueillir les roses de la vie en notre jeunesse, comme si elles ne pouvaient que se faner avec l'âge… Et voir définitivement le temps comme un bourreau : "toutes les heures nous blessent, la dernière nous tue."

Contre cette conception noire et pessimiste, je voudrais faire ici entendre la voix solaire de la philosophie : La vieillesse offre bien des inconvénients, mais elle est en réalité le meilleur des biens, car elle ne prive l’homme d’aucun plaisir et lui apporte la condition essentielle du bonheur, qui est la sagesse. Loin d'être une punition, elle est une récompense, du moins pour ce qui savent bien vieillir, et cela quelle que soit la manière dont ils ont vécu leur jeunesse…

Les chances de vivre dans le bonheur ne diminuent pas avec l’arrivée de la vieillesse pour deux raisons essentielles. La première, c’est qu’il n’existe en réalité aucune relation entre le bonheur et l’âge ! La deuxième, c’est que l’âge est plutôt un avantage qu’un inconvénient.
Commençons par le premier argument.
Si on comprend bien ce qu’est le bonheur, si on saisit l’essence même du bonheur, on peut immédiatement voir que le vieillesse n’empêche pas le bonheur, car la seule condition pour être heureux est de ressentir de la joie, ou du moins de ressentir une joie suffisamment grande pour nous sentir comblé, pour nous sentir satisfait par la vie, pour nous sentir envahi par une sensation de plénitude, d'harmonie et de contentement de l'esprit. Est-ce que l’accès à la joie et à la plénitude dépendent de notre âge ? Non. La joie est ouverte à tous, à tout moment, quel que soit notre âge. L’enfant, l’adolescent, l’adulte ou le vieillard sont exactement sur un même pied d’égalité en ce qui concerne la question essentielle de la vie humaine, la question du bonheur. Pourquoi donc ? Et bien c’est très facile à comprendre, si on remarque que la joie est d’essence spirituelle. Je veux dire que ce n’est pas une sensation corporelle liée à l'espace et au temps, et qu’elle ne dépend donc pas de la vie du corps, ni de ce qui arrive dans le monde extérieur. Les sensations corporelles agréables qu’on peut regrouper sous le concept de plaisir dépendent du corps et de ses expériences mondaines. Ainsi le plaisir de manger une fraise, de faire une promenade, d’écouter une jolie musique, de voir un beau paysage dépendent de l’espace et du temps. Elles dépendent du corps et des circonstances. Elles vont donc varier en fonction de son âge… Au contraire, la joie n’est pas liée à une expérience physique et sensorielle. C’est un sentiment qui naît dans notre conscience sans rapport avec la vie du corps, ni avec ce qui se passe à l’extérieur du corps, ni d'ailleurs de ce qui se passe dans le monde. Elle ne dépend donc pas du temps ni de l’espace. Si je deviens aveugle, je ne pourrais plus avoir le plaisir de voir un beau paysage, si je deviens sourd, je ne pourrais plus avoir le plaisir d’écouter une belle musique, si je n’ai plus de jambe, je ne pourrais plus sentir le plaisir de faire une promenade, en revanche cela ne changera rien à ma capacité de joie. C’est que la joie est un acte spirituel donc la cause est intérieure et qui est sans rapport avec le temps et avec l’espace, sans rapport donc avec l’âge. Elle toujours possible dans le présent, par un acte libre qui ne dépend que de l’activité de notre esprit. Et quelle est la source de la joie ? Quel est le secret du bonheur ? Voici la question la plus importante de toute la philosophie, la question la plus essentielle de toute l’humanité. Et nous pouvons tous voir que la réponse est évidente, et qu’elle ne dépend en aucune façon de l’âge, en aucune façon du temps. La source de la joie, le secret du bonheur, tient en un mot : la conscience, ou ce qui revient au même, le présent. Etre heureux, c’est se réjouir de ce qui existe dans le présent. C’est être totalement conscient de la présence à ce qui est, tel que c’est, sans chercher à comparer avec ce qui a été, ce qui sera ou ce qui pourrait être. C’est être pleinement présent à toutes les joies présentes, et elles sont innombrables, toujours possibles à savourer à tout âge, quelles que soient les circonstances. Je veux parler de la joie de vivre, la joie de connaître, la joie de comprendre, la joie de créer, la joie de contempler la beauté, la joie d’aimer les autres, et bien sûr aussi la joie de sentir tous les plaisirs du corps et les perceptions des autres corps lorsqu’ils sont présents. Car le plaisir ne s'oppose pas à la joie ! Il est fait de la même substance... C’est là, maintenant, pour vous, la joie d’être là, la joie d’être vous-même, la joie d'être au monde, la joie de vous sentir libre, la joie d’être ensemble, la joie de percevoir la beauté de ce lieu, la joie de voir la beauté du sourire de chacun, la joie de m’écouter parler, la joie de comprendre que vous n’avez jamais été aussi proche du bonheur que maintenant, et que cela durera toute votre vie, quel que soit votre âge, si vous restez libre du temps et que vous viviez pleinement dans la perception de moment présent. Le bonheur est donc accessible à tous d’une manière qui ne dépend pas des vicissitudes de l’âge et qui ne dépend que de notre capacité à être totalement présent. Il ne dépend que de l’activité de la conscience et de la liberté de l’esprit de sa principale source d’esclavage, qui est de penser aux deux temps qui n’existent pas, le passé et le futur. Par conséquent, que nous ayons 5 ans, 30 ans, 50 ans, 70 ou 100 ans, notre conscience a en réalité toujours le même âge, c’est-à-dire qu’elle ne vieillit pas : notre conscience à l'âge du présent. Du point de vue spirituel, du point de vue de notre conscience, nous sommes ainsi éternellement jeunes, et même éternellement enfants : nous avons toujours le même âge que lorsque nous avons commencé à être conscients. Autrement dit nos chances d’être heureux sont absolument égales quel que soit l’âge de notre corps… N’est-ce pas merveilleux ? N’est-ce pas une bonne nouvelle ? Encore faut-il que notre conscience soit heureuse, évidemment, c’est-à-dire que la vie que nous vivons dans le présent puisse nous remplir de joie… Et c'est pourquoi nous avons besoin d'une philosophie, d'une éthique, d'une culture, d'une politique... Pour créer les conditions de notre joie. Que se passe-t-il, d'ailleurs, quand nous sommes dans la joie ? Nous nous sentons jeunes ! « le bonheur supprime la vieillesse » comme le dit Kafka… Alors que la tristesse nous fait nous sentir vieux… Le seul moyen de lutter contre la vieillesse, c’est donc de cultiver la joie… C'est de pratiquer l'art suprême de la vie : l’art d’être heureux… Le problème est ici exactement le même pour un jeune que pour un sénior, si ce n'est que le sénior a l'avantage de l'expérience et de la culture : le bonheur n’est en réalité ni plus ni moins difficile à 20 ans qu’à 100 ans. Dans les deux cas nous sommes heureux que lorsque nous sommes satisfaits de ce que nous vivons, que nous créons une vie belle, riche, profonde, pleine de sens et d'amour. Pour une personne âgée, comme pour une personne jeune, la condition essentielle pour être heureuse est en fait la liberté intérieure face aux illusions, face aux passions, face aux croyances... Vous avez reconnu ici la définition même de la philosophie. La plus forte croyance à éliminer est sans doute, surtout dans notre civilisation matérialiste, l’identification à notre corps, à ses prolongements tels l’image que nous donnons de nous, ainsi qu'à nos possessions matérielles… Cette identification n’est qu’une pensée, et au surplus une pensée fausse… Car la tristesse d’être âgé vient seulement de ce que nous pensons être notre corps, que nous nous identifions avec la pensée « je suis mon corps » et que nous comparons notre état actuel avec notre état passé, ou bien avec un autre corps plus jeune, plus beau ou plus fort, ce qui est une autre pensée. La première clé de sagesse est donc de comprendre que nous pouvons à tout moment être heureux, quel que soit notre âge, quel que soit l’état de notre corps, à la condition de créer une vie qui nous remplisse de joie dans l’instant présent, sans penser au futur ou au passé, sans le regret du passé ou la peur de l’avenir. Bref, la condition essentielle du bonheur, c’est la sagesse…

Ce point essentiel étant posé, nous pouvons à présent nous détendre, éliminer tout le stress éventuellement lié à la tristesse ou à la peur de vieillir, stress qui, rappelons-le, constitue notre principale source de douleur, de maladie et de mauvaise humeur, et nous pouvons reprendre notre méditation philosophique pour l’approfondir. Que pouvons-nous faire pour être heureux, quand nous avançons en âge et que nos possibilités corporelles diminuent ?

S’ouvre à nous ici le champ de la réflexion philosophique de l’éthique, qui n’est autre que l’art du bonheur par la culture de la sagesse, c’est-à-dire l’ensemble des vertus. Plus je vivrais avec sagesse, plus je serais bon et vertueux, c’est-à-dire juste, prudent, tempérant, courageux, généreux, doux, tolérant, plein d’humilité, d’humour et d’amour, et plus je sentirais de la joie d’être qui je suis et plus je serais heureux quel que soit mon âge.

L'âge n'influe-il donc en rien sur notre capacité de bonheur? Ce serait être aveugle que de le croire : le corps n'est pas source de joie, mais il peut être source de plaisir ou de douleur en fonction de notre état de santé. Quels sont les avantages et les inconvénients de la vieillesse par rapport à l’accès au bonheur? Les inconvénients, nous les connaissons tous et je ne vais pas les décrire. Le principal est celui de la maladie, état anormal, il faut le rappeler, et dont la probabilité augmente avec le vieillissement des tissus et des organes. Un corps qui vieillit se fatigue plus vite, est plus vulnérable aux maladies, a des sens moins performants, sa vigueur et son adaptabilité diminuent, ses performances physiques et intellectuelles déclinent, il perd son autonomie et c'est pourquoi il est souvent rejeté, isolé, voire exclu dans nos sociétés jeunistes et égoïstes… Tout cela existe et permet de comprendre pourquoi la dépression affecte souvent les personnes âgées et pourquoi la vieillesse est souvent associée, comme la mort d’ailleurs, à une malédiction… Contre cette vue pessimiste je voudrais encore énoncer deux thèses audacieuses mais que je crois néanmoins vraies. La première, c’est qu’il est possible d’être vieux et en bonne santé si on respecte pendant la durée de la vie tous les besoins réels du corps. La vieillesse n’est pas synonyme de maladie, de souffrance et de douleur. Une bonne alimentation, une activité physique adaptée, mais aussi et surtout des relations saines, une bonne intégration sociale, des activités utiles et sources de sens, une vie culturelle et spirituelle riche, et surtout de l'amour, sous toutes ses formes, et surtout l'amitié, voilà les vrais fondements de la santé. La vie peut alors s’accompagner non seulement de joie mais aussi de plaisir, de volupté et de bien être jusqu’à un âge très avancé, comme le montre les études faites sur les centenaires qui expriment, quand ils ont de bonnes conditions de vie, combien ils sont plus sereins, plus capables d’apprécier la vie, plus libres de voir la beauté de la vie. La jeunesse est peut-être la plus belle des fleurs, mais la vieillesse est sans doute le plus savoureux des fruits. Ceci dit nous devons admettre que la vieillesse est au-delà d’un certain âge comme la petite enfance l’âge de la vulnérabilité, de la fragilité, de la perte d’autonomie, et qu’il est donc du ressort de la politique d’aider les personnes plus faibles que sont les tous petits enfants et les personnes en fin de vie, à jouir de conditions de vie favorables à leur bonheur.

Ceci étant dit, j’ai une thèse plus audacieuse à vous proposer encore. C’est que le vieillissement et, tout comme la mort d’ailleurs, est en réalité une bénédiction… Il est bon de vieillir, la vieillesse est un bien !

Bien que l’âge n’aie, comme je l’ai montré, aucun rapport direct avec le bonheur, Il existe au moins un immense avantage à être âgé, c’est que notre esprit devient avec l’âge de moins en moins dépendant de la mémoire et qu’il est de plus en plus capable d’utiliser la partie éternellement jeune de son esprit, celle qui est en lien avec l’éternité, avec le présent infini de l’éternité. Je veux parler de la raison, prise dans son sens le plus profond, non pas la capacité à faire des raisonnements avec le langage, mais la capacité à intuitionner le réel hors du langage. L’avantage de la vieillesse, c’est qu’on perd la mémoire ! Disons plutôt qu’on a moins besoin, (car la mémoire cognitive est bien sûr un bien qu'il vaut mieux ne pas trop perdre) et qu'on peut dans l'âge mûr se consacrer davantage à l’usage de l’intuition, de la capacité de connaissance directe de la réalité, faculté maîtresse de l'art, de la philosophie et de la spiritualité.

La vieillesse est, en conclusion, comme l’enfance, l’âge d’or, parce que c’est l’âge de l'esprit éveillé, l'âge de l’innocence retrouvée, l’âge "de la vie purifiée des illusions et des passions", comme dit Stendhal. Toutes les joies de la vie spirituelle sont alors à tout moment accessibles, en particulier quatre grandes sources de joies.

D'abord, les joies de la philosophie, les joies intellectuelles et cognitives de comprendre, se comprendre et comprendre le monde. Le sénior a plus de temps libre et de disponibilité intérieure pour se consacrer à la vie de l’âme, la philosophie et la spiritualité. Grâce à la pratique de la philosophie, les passions sont moins intenses, parce que les illusions sont moins fortes, alors que les désirs peuvent être toujours aussi intenses et enthousiasmants. D'autre part l’expérience permet d’éliminer les erreurs du passé, de se libérer des identifications et des croyances matérialistes ou idéalistes : on se libère des idéaux, on se libère des ambitions, du narcissisme… Les affects peuvent donc être plus facilement raisonnables et l’intelligence devient plus affective, plus sensible aux vraies valeurs de la vie.

La personne âge peut alors accéder aux joies de la sagesse, les joies spirituelles et transcendantes qui dépassent la pensée et sont pure conscience d'être et d'apprécier la vie telle qu'elle est, sans avoir besoin de la comprendre.
"La jeunesse est le temps d'étudier la sagesse, la vieillesse est le temps de la pratiquer" remarquait Rousseau. Et Joubert ajoutait "La vieillesse n'ôte à l'homme d'esprit que des qualités inutiles à la sagesse."
Bref, vieillir n’est pas diminuer, mais grandir. C'est avoir, par la bénédiction de l'âge, plus d'espace de vie pour exprimer sa grandeur d’âme, sa magnanimité.

Mais ce n'est pas tout ! Le sénior peut savourer toutes les joies de la culture, les joies esthétiques et poétiques des jeux, de la pratique des arts, des sciences, des techniques, de la politique, avec certes moins de rapidité, mais peut être plus de saveur...

Enfin la vieillesse est l'âge d'or pour savourer les joies de l’amour, les joies affectives, amicales et amoureuses qui enrichissent plus que toutes autres la vie humaine. Et même les joies de la sensualité et de la sexualité ! Quelle merveille que de tomber amoureux à plus de 80 ans ! C'est Anaïs Nin qui l'a sans doute le mieux exprimé : "Le seul alchimiste capable de tout changer en or est l'amour. L'unique sortilège contre la mort, la vieillesse, la vie routinière, c'est l'amour."


Ce n’est donc pas un hasard si une étude l’Insee a montré que les français sont beaucoup plus heureux entre 60 et 65 ans qu’à tout autre période de la vie… Ajoutons à présent qu'avec une bonne qualité de vie et un peu de philosophie, ce bonheur peut durer et même s'intensifier jusqu'au double ! Le jour de son 121e anniversaire, un journaliste a posé la question à Jeanne Calment : « Je voudrais bien savoir si vous avez très envie de continuer à vivre ? ». La doyenne lui a répondu : « Oui, encore un peu ». C'est qu'elle avait conscience qu'elle pouvait encore savourer son bonheur, et peut être même l'augmenter... car la grâce de la béatitude et l'extase de vivre peuvent jaillir à tout instant : cela ne demande que l'abandon de la conscience à la grâce d'être conscience.

Le sénior a donc finalement beaucoup plus de chance de vivre dans le bonheur parce qu'il a plus le temps de se consacrer à la sagesse, c'est-à-dire la vertu, « la force d’âme », comme dit Spinoza, que je préfère appeler la « bonté d’âme ». Le bonheur, c’est surtout éprouver la joie d'être bon. La bonté est la source essentielle du bonheur, parce qu'elle implique la capacité de sentir combien la vie est bonne, parce qu'elle est par elle-même la source de toute joie…

Je peux donc pour finir vous chanter avec ce prince de la vieillesse que fut Brassens : « moi qui navigue entre deux âges, je vous adresse ce message : l’âge ne fait rien à l’affaire, quand on est bon, on est bon ! Qu’on ait 20 ans, qu’on soit grand père, quand on est bon, on est bon ! Entre vous plus de controverses, bons caduques ou bons débutants... Petits bons de la dernière averse, vieux bons des neiges d’antan... Heureux de la dernière averse, heureux des neiges d’antan ! "

Je vous remercie pour votre attention et vous souhaite un vieillissement bienheureux !

vendredi 23 avril 2010

La pensée, obstable au bonheur



Contrairement à ce que l'on croit et ce que l'on enseigne, la pensée est un obstacle au bonheur. En effet : quand je pense, je me concentre sur une idée de la réalité en fonction de mes besoins et je ne perçois plus la réalité de la vie dans sa beauté vibrante et vivante, source même du bonheur. Je sens alors naître en moi désir d'imposer mon idée par rapport à ce qui est, et naissent alors inévitablement tension, espoir, regret, tristesse, colère, haine, et je m'éloigne de la joie d'être vivant, présent, serein, ouvert à la réalité telle qu'elle se donne. Bien sûr, si ma pensée est vraie, si les idées que je conçois sont adéquates, si c'est la réalité même dans toute sa splendeur qui s'offre à moi dans l'exercice de ma pensée à travers les concepts du langage et les images mentales que mon esprit se forme, je peux toutefois ressentir la joie de comprendre la partie de la réalité telle qu'elle se donne, éprouver la joie d'agir avec efficacité grâce à la puissance du raisonnement et me sentir non séparé de la source du bonheur. Je peux même sentir mon bonheur augmenter d'intensité par la jubilation de sentir la puissance de ma raison s'exprimer, qui n'est autre que la puissance même de la vie cosmique, créatrice de toute chose. Cependant, même si ma pensée est vraie, le simple fait de penser concentre mon attention sur une partie de la réalité et exclut du champ de ma conscience tout le reste de ce qui existe. Je me coupe alors de la joie de percevoir la totalité des merveilles de la réalité que ma pensée exclue pour ne me remplir que de la joie de ce qu'elle comprend. Cet inconvénient de la pensée auquel succombe quasi inévitablement toute conscience dès qu'elle pense peut trouver un remède en maintenant vivante la joie de l'attention au réel tel qu'il se donne dans l'éternité changeant de son présent, c'est-à-dire en laissant l'éveil se produire au sein de la conscience infiniment consciente d'elle-même qui comprend non seulement la totalité de ma vie, mais la totalité du monde.
Le bonheur demande donc deux conditions : penser le moins possible, pour demeurer dans la conscience joyeuse de la vie - ce qui s'appelle être sage -, et lorsque la pensée est nécessaire, notamment pour éclairer l'action par la mémoire du passé et l'anticipation de l'avenir, ne penser que la vérité de la réalité elle-même, - ce qui s'appelle être philosophe. Dans les deux cas, pensée ou non pensée, le bonheur a toujours la même source : la joie d'être présent à la merveille de la vie. La joie d'être la vie.

jeudi 15 avril 2010

Eveil et Bonheur



Une heure de méditation tranquille sur mon lieu de travail préféré (la plage au soleil face à la mer) sans aucun but et à nouveau des moments de sortie de la pensée et d'accès au silence de la pleine présence, pleine conscience, pleine béatitude... Je réalise très clairement à présent qu'il faut sans l'ombre d'un doute bien distinguer deux types de "bonheurs" a priori très semblables et en réalité très différents : celui qui est ressenti par la conscience dans son état dit "ordinaire" de sujet pensant et agissant dans le monde, et celui ressenti par la conscience dans son état dit "éveillé" à sa vraie nature "non duelle" (sans sentiment de séparation). Les deux méritent d'être appelés "bonheur" par le fait que dans les deux cas la conscience se sent pleinement satisfaite de ce qu'elle est en train de vivre et il n'y a pas de supériorité de l'un sur l'autre. Sur le plan affectif, il s'agit du même sentiment de base : une joie assez grande pour contenter l'esprit. Le second, généralement appelé félicité ou béatitude, se distingue pourtant radicalement du premier par plusieurs caractères et se présente en fait comme ayant apparemment infiniment plus de valeur :
- Le bonheur-béatitude est absolu, alors que le bonheur ordinaire est relatif.
- Il est intemporel, alors que le premier est temporel.
- Il est impersonnel, alors que le premier est personnel
- Il est indéterminé, sans cause, alors que le premier est déterminé par des causes.
- Il est toujours et facilement accessible, alors que le premier est difficile d'accès et fragile
- Il est infini, alors que le premier est fini
- Il ne s'accompagne d'aucune pensée, il est pure conscience du réel, alors que le premier est lié à des pensées qui viennent entraver la conscience du réel
- Il est pur, simple, évident, alors que le premier est mélangé, complexe, mystérieux.
- Il est identique au sentiment de liberté, alors que le premier s'en distingue
- Il est indicible, alors que le premier est descriptible
- Il est inexplicable, alors que le premier est explicable
- Il est non duel (plus d'existence d'un sujet et d'objets distincts), alors que le premier est duel (le sujet se sent distinct du monde des objets)
- Il s'accompagne d'émerveillement, gratitude, enthousiasme, amour, étonnement total, alors que le premier peut n'éprouver que partiellement ces tonalités affectives.
- Il ne demande aucun effort, seulement un laisser être, un lâcher prise, un non agir, une non pensée, une détente, une attention, alors que le premier demande un effort, une réussite, une action, une pensée réflexive, une concentration, une tension.
- Il est pure aperception, sans opération mentale, alors que le premier est perceptif, lié à la mémoire et à l'imagination
- Il est pure poésie, alors que le premier est prosaïque
- Il est divin et sacré, alors que le premier est humain et profane.
- Il n'est rien de spécial, étant la conscience de notre vraie nature "parfaite telle qu'elle est", alors que le premier semble extraordinaire, étant liée à la satisfaction apparemment assez miraculeuse de nos désirs dans un monde souvent perçu comme hostile.

à part ça, aucune différence !

Temps et bonheur



Pourquoi cette idée répandue partout que le bonheur doit être durable ? Une joie de vivre complète est-elle moins digne d'être appelée bonheur si elle ne dure que quelques secondes ? Le temps ne fait rien au bonheur, parce que le bonheur n'est qu'une question de reconnaissance par la conscience du caractère totalement satisfaisant de l'existence dans le ici et maintenant de l'instant présent. La durabilité n'est pas un critère du bonheur. Seule la plénitude est un critère, le temps qu'elle dure, sans aucune référence au passé et à l'avenir. Le seul critère est phénoménologique : une joie est d'autant plus source de bonheur qu'elle est sans crainte (sérénité), sans tristesse (gaieté), source de motivation (enthousiasme) et enceinte d'autres joies possibles (amour)... Je ne veux pas d'un bonheur durable ! Je veux d'un bonheur changeant... et présent !

lundi 12 avril 2010

Politique et Bonheur



Sur France Culture, ce matin, "la politique doit-elle faire le bonheur des citoyens?". Ma réponse est très simple : la politique ne doit faire que cela, non pas directement, bien sûr, car nul ne peut faire le bonheur d'un autre que soi, mais indirectement, puisque l'unique but de la politique, qu'elle soit celle de l'Etat et des institutions ou celle des citoyens, est la JUSTICE. Or qu'est-ce que la justice, sinon l'action politique favorisant les conditions du bonheur de tous : liberté, sécurité, prospérité, fraternité...? C'est la raison pour laquelle nous devons changer les gouvernements, les Etats, les constitutions et les politiques de tous les pays du monde, car il est évident qu'aucun Etat actuel n'agit pour le bonheur de tous, mais seulement pour le bonheur de quelques uns, en particulier les quelques dizaines millions de favorisés qui ont le pouvoir et l'argent, d'une manière d'ailleurs mauvaise puisque les véritables conditions du bonheur des citoyens ne sont pas identifiées par les Etats (il faudrait pour cela qu'ils soient l'incarnation de la sagesse), en particulier sur les plans économique et éducatif où règnent les plus grands désastres : nous avons tout pour vivre dans l'abondance et la science, et la misère des ventres, des coeurs et des esprits règne partout en maître. La seule politique juste pour remédier au scandale de l'injustice généralisée qui sévit depuis des millénaires sur notre planète est donc aujourd'hui l'éveil de la conscience des citoyens - et des politiques - par l'enseignement, la diffusion, l'éducation à la sagesse, pour déployer partout les vraies conditions du bonheur à tous, par l'instauration d'une communauté de citoyens du monde généreuse et solidaire. Comme le savait Mandela et tous les justes, cette révolution a lieu à chaque instant, accomplie par les mains d'artiste de la source cosmique. Pas d'inquiétude: tout va parfaitement bien depuis toujours !

dimanche 11 avril 2010

Les 5 principes de la béatitude

















1. Rien à craindre : je suis présent. Totale Sérénité.

2. Rien à regretter : je suis créateur. Totale Gaieté.

3. Rien à projeter : je suis libre. Total Enthousiasme.

4. Rien à haïr : je suis tout. Total Amour.

5. Rien à perdre : je suis éternel. Totale Béatitude.

Moi, en ce moment m'aime.

vendredi 9 avril 2010

Le Happy-Art : l'Art du Bonheur



J'ai donné ce soir une séance de "pratique du bonheur", ma synthèse pédagogique entre philosophie et biodanza que j'appelle parfois biosophie, parfois "art du bonheur", et que j'ai envie ce matin d'appeler "Happy-Art" ! Nous étions cinq à vivre cette expérience, ce soir, à la Semeuse, et ce fut magnifique...

Petite description de la séance qui a duré une heure :

1. Introduction immobile de recueillement méditatif sur une musique profondément affective (Chanonry point de Merce Cunningham) pour entrer en relation avec notre coeur, notre essence vivante, puis vers la fin de la musique premier exercice de lucidité sur notre Mandala : simplement évaluer notre degré de bonheur présent, entre 1 et 10, et l'inscrire au centre du Mandala...

2. Vivencia de Terre pour activer notre joie d'être au monde sur une musique de marche tranquille et insouciante (Don't Worry Be Happy de Bobby Mc Ferrin) avec des mouvements de marche et d'expression libres pour prendre confiance dans notre puissance d'être et activer notre force intérieure, puis écriture sur la même musique dans la partie terre du Mandala de tout ce qui solidifie notre bonheur, nous donne de la sécurité et nourrit notre Sérénité.

3. Vivencia de Feu pour activer notre joie d'être acteur sur une musique dynamique et joyeuse (Don't stop till' you get enough de Mickael Jackson) avec des mouvements vifs d'exploration pour intensifier notre motivation à vivre, être joyeux et créatif, puis ensuite écriture sur la même musique, dans la partie feu du Mandala, de tout ce qui intensifie notre bonheur, nous donne de la motivation et nourrit notre Gaieté.

4. Vivencia d'Air pour activer notre joie d'être libre sur une musique majestueuse et puissante (Charriot of Fire de Vangelis), avec sur place des mouvements libres d'expansion et d'ouverture pour aggrandir notre espace existentiel, élargir l'horizon de la perception et amplifier notre conscience, puis écriture sur la même musique dans la partie Air du Mandala de tout ce qui nous émerveille, nous fait rêver et nourrit notre enthousiasme.

5. Vivencia d'Eau pour activer notre joie d'être en relation avec les autres sur une musique affective de gratitude (Te dire Merci de Atma), avec des mouvements de rapprochement et de rencontres de regard et de main, vers l'expression de notre gratitude pour intensifier notre sentiment d'amitié et de bienveillance avec chaque personne présente et avec les personnes absentes que nous aimons, puis écriture sur le même musique dans la partie eau du mandala de tout ce que nous sentons bon pour cultiver nos amitiés et nourrir notre sentiment d'amour pour l'humanité.

6. Vivencia finale d'harmonisation et de contemplation du Mandala sur une musique harmonisante et enveloppante (Bilitis de Zamfir) pour activer notre joie d'être, ici et maintenant, accueillir pleinement le bonheur de l'instant et l'intégrer dans notre vie entière puis réévaluation de notre sentiment de bonheur présent entre 1 et 10, et l'écrire au centre du Mandala à la place de l'ancienne évaluation.

7. Partage verbal en silence en cercle en se tenant tous par la main pour exprimer au groupe avec simplicité, spontanéité et authenticité ce que nous avons le désir de partager de nos émotions vécues, de nos découvertes pendant la séance, de notre bonheur présent, de ce que nous sentons essentiel pour nous d'intensifier dans notre vie pour aller vers plus de bonheur pour soi et pour les autres...

Et voilà ! Personnellement, j'ai commencé la séance à 8, je l'ai finie à 9, et je suis maintenant à 10...

Un moment magnifique et sacré pour moi qui me donne envie de proposer des séances de Happy Art partout dans la société, en particulier dans toutes les écoles...

Et comme un bonheur n'arrive jamais seul, la soirée s'est terminée dans un feu d'artifice d'enchantement musical avec mes merveilleux amis musiciens Scott Allen et Sébastien Chaumont, les rois du Groove, au Shapko Bar, dans une ambiance de fête chalheureuse avec des dizaines d'amis en joie...

Merci à la vie pour de si sublimes moments !

mardi 6 avril 2010

Plaisir et bonheur



Quelques réflexions après un stage de biodanza aquatique et massage sensuel savouré en Toscane sur le thème "renaître au plaisir", conduit par ma facilitatrice aimée et préférée Claudia Cardelli.

Trois jours pour continuer mon exploration toute "scientifique" des chemins de la béatitude en expérimentant l'abandon aux richesses de la volupté... Et une occasion de vérifier à nouveau une donnée essentielle du bonheur : le plaisir, j'entends par là l'ensemble des sensations agréables ressenties localement dans une partie ou la totalité du corps, n'est pas absolument NECESSAIRE mais extrêmement FAVORABLE au bonheur. En effet, une joie dominante d'ordre purement spirituel suffit pour éprouver le sentiment de bonheur dans sa souveraine signification de "réjouissance globale d'exister" qui peut se manifester même en l'absence de plaisir corporel, voire en présence d'une douleur. C'est pourquoi la philosophie ou la spiritualité, c'est-à-dire l'éveil de la conscience à la vérité de l'être par la méditation, suffit à vivre dans le bonheur le plus haut : la béatitude. Par contre j'ai pu vérifier - avec quels délices ! - que l'intensification et la diversification des plaisirs corporels enrichit et approfondit vertigineusement la pleine satisfaction d'exister en offrant à la conscience des mondes de constellations sensorielles d'une incroyable richesse, voluptés tactiles, saveurs parfumées et autres enchantements visuels des formes et lumières colorées qui ajoutent à cette joie de fond une extraordinaire profondeur paradisiaque et stimule l'éveil de la conscience à l'éternelle joie d'être...

Le summum du week end a été atteint pour moi juste après une vivencia de massage, j'ai senti se déclencher un processus d'éveil énergétique dans mon ventre et je suis alors entré ou plutôt me suis laissé abandonner à un ravissement extatique de plus de deux heures d'immobilité vibrante, d'abord assis puis couché dans mon lit, deux heures de volupté absolue et de béatitude dans laquelle j'ai exploré les ondes énergétiques de lumière liquide danser dans toutes les parties de mon corps et bien au delà sans autre ressource que le jeu de la respiration et sans aucune intervention de la volonté personnelle. Plus de "je", plus de passé ni de futur, plus de "monde", de temps et d'espace, rien d'autre que le jeu de la vie qui s'éprouve divinement elle-même ! Conscience impersonnelle, et paradoxalement intensification de la conscience d'être "moi". La joie d'être soi, bien incarnée dans le plaisir de vivre dans ce corps sensible !

Deux remarques pour finir : l'élément essentiel de cet approfondissement voluptueux de la conscience d'être m'apparaît moins comme induit par la stimulation extérieure que par la totale relaxation intérieure qui m'a permis une libération de tout stress, une élimination de toute tension, jusqu'à parvenir à une réceptivité ultrasensible et une sorte d'hyperpoétisation de toute sensation, toute condition pour s'abandonner à l'éveil de la sensualité interne avec une intensité insoupçonnable dans l'état de conscience ordinaire tout occupée à gérer le monde des émotions, des images et des idées...

Deuxième remarque, ce bonheur sensible est tout aussi gratuit, abondant, facile d'accès et infiniment riche que le bonheur spirituel, pour ne rien dire des autres bonheurs (créatifs, relationnels...) Rien à faire, dans tous les cas... Rien d'autre que le laisser "être-conscience"... Démultiplié ici par la joie du partage avec une vingtaine de joyeux amis franco-italiens et la beauté de la campagne toscane, la lumière du soleil et la tendresse de l'eau chaude de notre belle piscine intérieure...

Merci à la vie pour cette nouvelle expérimentation macariotique et à ma Claudia pour sa généreuse et magnifique facilitation toute en douceur et poésie.