vendredi 23 avril 2010
La pensée, obstable au bonheur
Contrairement à ce que l'on croit et ce que l'on enseigne, la pensée est un obstacle au bonheur. En effet : quand je pense, je me concentre sur une idée de la réalité en fonction de mes besoins et je ne perçois plus la réalité de la vie dans sa beauté vibrante et vivante, source même du bonheur. Je sens alors naître en moi désir d'imposer mon idée par rapport à ce qui est, et naissent alors inévitablement tension, espoir, regret, tristesse, colère, haine, et je m'éloigne de la joie d'être vivant, présent, serein, ouvert à la réalité telle qu'elle se donne. Bien sûr, si ma pensée est vraie, si les idées que je conçois sont adéquates, si c'est la réalité même dans toute sa splendeur qui s'offre à moi dans l'exercice de ma pensée à travers les concepts du langage et les images mentales que mon esprit se forme, je peux toutefois ressentir la joie de comprendre la partie de la réalité telle qu'elle se donne, éprouver la joie d'agir avec efficacité grâce à la puissance du raisonnement et me sentir non séparé de la source du bonheur. Je peux même sentir mon bonheur augmenter d'intensité par la jubilation de sentir la puissance de ma raison s'exprimer, qui n'est autre que la puissance même de la vie cosmique, créatrice de toute chose. Cependant, même si ma pensée est vraie, le simple fait de penser concentre mon attention sur une partie de la réalité et exclut du champ de ma conscience tout le reste de ce qui existe. Je me coupe alors de la joie de percevoir la totalité des merveilles de la réalité que ma pensée exclue pour ne me remplir que de la joie de ce qu'elle comprend. Cet inconvénient de la pensée auquel succombe quasi inévitablement toute conscience dès qu'elle pense peut trouver un remède en maintenant vivante la joie de l'attention au réel tel qu'il se donne dans l'éternité changeant de son présent, c'est-à-dire en laissant l'éveil se produire au sein de la conscience infiniment consciente d'elle-même qui comprend non seulement la totalité de ma vie, mais la totalité du monde.
Le bonheur demande donc deux conditions : penser le moins possible, pour demeurer dans la conscience joyeuse de la vie - ce qui s'appelle être sage -, et lorsque la pensée est nécessaire, notamment pour éclairer l'action par la mémoire du passé et l'anticipation de l'avenir, ne penser que la vérité de la réalité elle-même, - ce qui s'appelle être philosophe. Dans les deux cas, pensée ou non pensée, le bonheur a toujours la même source : la joie d'être présent à la merveille de la vie. La joie d'être la vie.
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