C'est arrivé d'un coup. Personne ne sait comment.
C'était un matin de printemps. Soudain les enfants ont refusé d'aller à
l'école. Les ouvriers ne sont pas allés à l'usine. Les commerçants ont fermé
leur boutique. Les conducteurs ont quitté leurs véhicules. Les marins sont
restés au port. Les employés ont quitté leur bureau. Les artisans ont laissé
leurs ateliers. Les paysans sont partis des champs. Les journalistes ont
déserté leurs studios. Les étudiants ont déserté les universités. Les
chercheurs ont fermé leurs laboratoires. Les vieillards sont sortis des
hospices. Les miséreux sont sortis de leurs cartons. Les pauvres ont
quitté leurs appartements. Les riches ont abandonné leurs villas. Les prêtres
sont sortis des églises. Les moines ont quitté leurs monastères. Les fous sont
sortis des asiles. Les banquiers ont abandonné leurs coffres. Les gardiens
de prison ont ouvert les cellules. Les policiers ont fermé leurs
commissariats. Les militaires ont quitté leurs casernes. Les soldats ont cessé
le combat. Les insulaires ont quitté leurs îles. Les ménagères ont quitté leurs
maisons. Les chefs ont abandonné leurs postes. Les amoureux sont sortis de sous
leurs draps. Et tout le monde s'est rejoint dehors sous le bleu du ciel, et
tous ont commencé à chanter et à danser librement. Peu à peu tous sont entrés
en transe comme s'ils avaient été pris de folie par la grâce d'un carnaval
planétaire. Puis ils se sont pris par la main, un, deux, trois, cinq, dix,
cent, mille, cent mille, un million, dix millions, et partout ils n'ont plus
formé qu'une seule immense ronde tout autour de la planète. Tout le monde était
là. Tout le peuple de la Terre. Il ne manquait pas une âme. Hommes et femmes,
jeunes et vieux, riches et pauvres, ils n'étaient plus qu'une seule famille humaine.
Quand tous les humains ont été présents dans la ronde, chantant, dansant,
riant, une grande paix s'est installée et le silence est revenu. La ronde s'est
calmée, puis elle s'est partagée en deux pour que chacun puisse faire face à un
frère ou une soeur, un père ou une mère, un fils ou une fille. Aucun mot n'a
été échangé. Aucun ordre n'a été donné. Des millions d'oiseaux sont arrivés au
dessus de la ronde et ont commencé à chanter les louanges de la vie. Très
lentement, la ronde humaine a commencé à se déplacer vers la droite pour que
chacun puisse contempler la beauté des visages de tous. Chacun a simplement
regardé l'autre quelques secondes dans les yeux en souriant. Chaque regard
disait pardon. Chaque sourire disait merci. Et plus la ronde tournait, plus
l'humanité voyait sa propre splendeur, et plus les yeux se remplissaient de
larmes, et plus le ciel devenait bleu. A un moment, les mains se sont lâchées
et les frères et les soeurs ont commencé à s'embrasser, à s'étreindre coeur à
coeur, pour ne faire plus qu'un. Un adieu sacré, un pas vers la droite, et à
nouveau une rencontre d'âme à âme, corps à corps, pour quelques secondes
d'éternité partagé. Ce rituel de guérison a continué comme ça toute la journée.
Pendant plusieurs heures, sans aucun trace de fatigue, chacun a pu donner et
recevoir des milliers de regards. Des milliers de pardon. Des milliers de
merci. Des milliers d'étreintes. Et à chaque nouvelle rencontre l'air devenait
plus vif, les oiseaux devenaient plus joyeux et le soleil était un peu plus
brillant, éclairant toute la Terre d'une lumière nouvelle. A un moment le ciel
s'est embrasé d'orange, partout sur la planète, et tous les autres animaux de
la création ont commencé à arriver. Les chevaux d'abord, puis les chats, les
chiens, les lapins et les renards, puis bientôt tous les animaux sauvages. Tous
ont formé une extraordinaire ronde animale autour de la ronde humaine. Tous les
animaux se tenaient immobiles, sans un cri, profondément recueillis. Les
oiseaux ont cessé de chanter et un silence d'une beauté insoutenable est venu
emplir l'espace. Les humains ont alors senti que quelque chose d'énorme
était en train d'arriver. Et c'est alors qu'a eu lieu le grand éveil. Le temps
s'est arrêté. Et en une fraction de seconde la conscience de tous les humains
s'est éveillée en même temps. Pour la première fois de l'Histoire du monde les
âmes de tous les vivants de la planète se sont unies en une seule conscience
collective. Les humains, les animaux, les arbres et les plantes, les pierres et
les cristaux, tout ce qui vit est devenu une seule écoute vibrante de pure
attention pour entendre le message sacré de la Terre mère. Tous ont fermé les
yeux et la Terre mère a alors commencé à s'adresser à tous dans son langage de
vent. Elle leur a annoncé que le temps du grand changement était venu. Elle a
confié que c'est elle qui les avait tous appelé à s'unir en ce jour sacré pour
annoncer à tous ses enfants que le temps de la grande réconciliation était
arrivé. Le Soleil a alors pris la parole et il a rappelé la grande vérité
libératrice : que toute l'humanité n'est qu'une seule famille parce que tout ce
qui vit est enfanté par l'unique Vie Divine qui crée toute chose dans cet
univers. Puis il a appelé chaque âme à renaître à une vie nouvelle et il a
demandé à l'humanité de détruire l'ancien monde de folie qu'elle avait imposé à
la Terre et à créer un nouveau monde de sagesse, de paix et de
beauté. Chacun a alors senti une joie immense se lever dans son coeur,
parce qu'il a compris qu'à partir de ce moment, il n'y aurait plus jamais de
violence et de misère dans le monde. Chacun a su qu'il allait partager ses
richesses avec les autres, que la peur allait être vaincue par l'amour et que
la misère, l'aliénation et la guerre allaient faire place à l'abondance, la liberté
et la paix. Le Soleil et la Terre ont remercié leurs enfants et sont retournés
au silence. Le temps a alors recommencé et les humains ont réouvert les yeux.
Ils ont vu qu'ils étaient merveilleusement beaux, que la nature était parfaite
et ils ont senti qu'une nouvelle sagesse venait de s'éveiller en eux. Une
lumineuse vibration d'amour les reliaient tous par le coeur en leur donnant à
chacun force, clarté et joie. Comme la nuit tombait et que le froid montait,
les humains et les animaux se sont rassemblés par masses et se sont couchés
ensemble pour se réchauffer et dormir en nid sous les étoiles comme une seule
famille. Le lendemain matin ils ont senti que la vibration de sagesse et
d'amour était toujours là dans leur coeur et ils ont su qu'elle ne s'éteindrait
plus jamais. Ils ont compris que l'égoïsme avait été vaincu et que ce qu'ils
avaient vécu la veille n'était pas un rêve. C'était bien le grand éveil
collectif qu'ils attendaient tous depuis leur naissance. Ils sont alors
retournés chacun dans leurs foyers et ils ont commencé le grand ménage et le
grand partage. En une seule journée tout ce qui était nocif et source
d'injustice a été abandonné : les Etats ont été abolis, les frontières ont été
supprimées, la propriété privée a disparu, les sectes religieuses, les partis
politiques et les écoles philosophiques ont été dissoutes. Ils se sentaient à
présent un seul peuple sans division. Le vieux système économique a été
abandonné, la compétition et la concurrence ont disparu, les entreprises sont devenues
de libres associations, les monnaies ont été déclarées sans valeur, les
banques ont été détruites, les tribunaux sans objet, les prisons sans intérêt,
le chômage sans signification. Une même sagesse de vie régnait dans tous les
esprits et chacun voyait comme une évidence que les richesses de la nature
n'appartiennent à personne et que tout est commun à tous. De grands feux
ont été allumés partout pour brûler tout ce qui était devenu inutile. Tout
ce qui était payant est devenu gratuit. Toutes les actions sont devenues
généreuses. Chacun s'est alors mis au travail avec enthousiasme sans recherche
de profit et sans autre but que de créer un monde juste uniquement basé sur la
satisfaction des besoins de chacun par la richesse de tous. Tous coopéraient pour
créer un nouveau monde d'harmonie. De petites tribus d'amis ont commencé à
s'organiser par association de compétences pour plus d'efficacité. Les tribus
ont d'abord commencé par assurer la santé et la prospérité des plus faibles,
des enfants, des handicapés, des vieillards, des personnes seules et malades.
Les familles humaines se sont recomposées. Pas un humain ne s'est opposé à
la grande métamorphose. La peur et la séparation avaient été vaincues. Tous et
toutes se voyaient comme des frères et des soeurs. Des parties solidaires d'une
seule grande unité vivante. Chaque tribu était une cellule autonome qui
coopérait avec toutes les autres pour contribuer au yeux au bonheur de toute
l'humanité. Chaque soir un temps était réservé à la musique, la danse, le
chant, les étreintes, à la célébration de la vie. A chaque rencontre le
sourire était là. Pardon pour le passé, merci pour ta présence, et on s'offrait
une étreinte de coeur entre enfants de la vie. De quoi as tu besoin pour être
heureux ? Chacun faisait de son mieux pour le bonheur de tous et très vite,
tout a changé. Peu à peu les villes ont été rasées pour construire de nouvelles
habitations heureuses qu'on partageait un temps, puis beaucoup voyageaient pour
aller découvrir la richesse des autres tribus. La nature a repris sa place.
Partout des arbres remplis de fleurs. Partout des champs de permaculture pour
cultiver de quoi nourrir la planète. Plus d'animaux tués dans les élevages.
Plus de violence entre les vivants. Plus de lois. Plus d'obligation. Plus de
stress. Dans chaque village de belles maisons toutes différentes se
construisaient avec fantaisie entourées de magnifiques jardins remplis de
fleurs et d'animaux. Partout des centres de soin apparaissaient pour
trouver gratuitement tout ce dont chacun a besoin pour être heureux. Tous
échangeaient avec les autres ce qui lui faisait plaisir. La laideur a fait
place à la beauté. Tous les visages sont devenus gais, tous les regards
lumineux, tous les êtres doux et plein de vigueur. L'air et l'eau se sont
purifiés. La nourriture est redevenue saine. L'énergie nucléaire et le pétrole
ont été remplacées par les énergies propres et gratuites. Les voitures ont
laissé places aux vélos et aux véhicules propres et silencieux. Les maladies
ont commencé à disparaître. Les hôpitaux se sont vidés. Les suicides ont
disparus. La dépression a été éliminée. Les écoles sont devenues des espaces de
libre apprentissage dans la joie et chacun enseigne à tous ce qu'il sait tout
au long de la vie. Les usines ont été fermées. Les supermarchés ont été
détruits. L'artisanat s'est développé. Les médicaments ont été réduits au
minimum. Les drogues ont disparu. Chacun est devenu son propre médecin. Son
propre maître. Tous les humains étaient devenus libres, riches, pleins de joie et
d'amour les uns pour les autres. Depuis ce jour le monde entier à vécu
dans l'amitié comme une seule famille. La guérison de la planète a pris de
longues années, mais il n'y a plus jamais eu de violence, ni de misère sur la
Terre. Tous les ans, l'humanité s'est réunie à cette date pour fêter le
grand éveil par une ronde de regard et d'étreintes tout autour de la planète,
en communion avec la Terre mère et le père Soleil. Une journée de fête avait
suffit à créer le grand changement et depuis on parle de la Terre comme d'un
paradis. C'est arrivé d'un coup. Personne ne sait comment. C'était un matin de
printemps.
lundi 24 décembre 2012
dimanche 23 décembre 2012
La joie d'aimer sa lumière
La lumière de son soleil. Dans la chair déchiquetée de la nuit du monde, il y a la lumière de son soleil. On dirait qu'il n'a aucune force, son soleil. Sa lumière semble aussi faible et fragile que la plume écrasée d'un rouge gorge aveugle. Et pourtant, Dieu sait qu'elle est plus puissante que les mille bombes atomiques créées par la bêtise humaine. Même à des centaines de kilomètres, j'entends le souffle de sa présence qui palpite dans la poitrine du matin. Je vois la rivière de ses étoiles qui coulent entre les cuisses du ciel. Et je bénis mon existence de mendiant ébahi par la merveille de son éclat de brin d'herbe. Même mon ami le silence du roc est étonné par son chant d'eau pure. Parce qu'il sait que pareille lumière guérit tous les maux de la Terre. Parce qu'il a compris qu'elle apporte aux hommes le remède à toutes les violences. Sa luminosité ressemble à la clarté du matin de la naissance du Christ. Aussi simple qu'un envol de libellule dans un soir d'avril. Un pur don de pluie amoureuse sur la terre séchée. Et sans rien chercher, pure offrande, elle recouvre de son lourd manteau de diamants chauds les galaxies sanglantes qui fracturent les jambes gelées du temps. Cette lumière, c'est la douceur étincelante de son sourire. C'est l'infinie tendresse de son sourire. Ô l'impalpable frémissement qui émeut les nuages quand ses lèvres et ses yeux s'illuminent en riant aux éclats dans les bras de son divin mystère! Les anges en seraient jaloux si elle ne leur avait déjà appris un jour le miracle de la jouissance. Car sous la neige rayonnante de sa douceur ensoleillée il y a le feu sauvage du volcan qui explose de joie érotique. Il y a les griffes de la lionne qui dévore le rouge calice des orgasmes rugissants. Il y a les caresses splendides qui enfoncent leurs mains de cendre et d'or dans le ventre boueux des montagnes de la volupté. Jamais peut-être on n'a vu dans toute la voie lactée alliance si parfaite de satin, de papillon et de foudre. Je ne peux pas vous dire son nom : seulement vous assurer qu'elle est plus belle que la beauté, plus heureuse que le bonheur et meilleure que la bonté.
samedi 8 décembre 2012
La joie de jouer
Ne rien attendre, agir sans but, dans la simple joie d'être là. Dans la joie d'intensifier le bonheur d'exister avec ses amis. Se réjouir de ce qui arrive, quoi qu'il arrive. S'émerveiller de tout ce que la source crée avec un infini étonnement qui s'étonne de lui-même. Voir que rien n'est sérieux, que tout n'est qu'un jeu. Savourer d'être soi-même un jeu qui joue avec lui-même. Voir la beauté infinie de l'infini jeu du monde. Et se remercier pour la grâce d'être le joueur, le jeu et le joué.
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